LETERRIER (Eugène) 1842-1884
Biographie
Fils d’un professeur libre voué tout entier aux belles lettres, qui lui avait communiqué son gout très vif pour la lecture et les choses littéraires, Leterrier avait commencé ses études à l’institution Massin, avant d’intégrer, comme externe libre, le lycée Charlemagne, où il fit la connaissance d’Albert Vanloo, avec lequel il a formé une solide amitié, d’où est née l’association fidèle entre toutes, presque unique au théâtre, et que la mort seule a pu briser.
Pour plaire à son père, il suivit, pendant un an, les cours de l’école des chartes, puis il était entré dans les bureaux de l’Hôtel de ville de Paris, où il a fait, pendant douze ou treize ans, un employé assez fantaisiste. Leterrier n’était pas un simple vaudevilliste. Il avait fait des études et, bien avant de songer à écrire des vaudevilles et des opérettes, il s’était livré à des travaux historiques intéressants. Sa vocation dramatique a, en réalité, surtout développée par de longues causeries attachantes avec son cousin germain Alfred Duru et par les premiers succès d’auteur de celui-ci, avec qui il commença très modestement, en donnant, en novembre 1867, un petit vaudeville aux Folies-Saint-Antoine, sur les bords du canal. Leurs pièces d’avant 1870 et celles de l’immédiat après-guerre sont œuvres de débutants qui se font la main. Passé ce moment difficile, ils eurent la chance d’entrer au Figaro où ils apportaient leur écho de chaque jour, où ils aidaient chaque soir « le Monsieur de l’orchestre, Arnold Mortier, à écrire ses premières Soirées, alors d’une nouveauté très piquante.
Leurs efforts de dramaturge furent alors couronnés, en 1874, d’un éclatant succès avec Giroflé-Girofla, revenant de Bruxelles, mit en pleine lumière Leterrier et Vanloo. Ces deux noms étaient associés pour la première fois à celui de Charles Lecocq. Si jamais auteurs étaient faits pour se convenir, c’étaient bien ceux-là, et tous les trois le sentirent, car jamais les deux librettistes n’eurent de plus retentissants succès qu’avec Lecocq et jamais ce dernier n’eut avec d’autres auteurs une série pareille à celle-ci : Giroflé-Girofla, la Petite Mariée, la Marjolaine et la Camargo, en attendant le Jour et la Nuit. La Petite Mariée est l’œuvre-type en ce genre et demeurera le modèle – avant le Petit Duc qu’elle a précédé de trois ans – de l’opérette élégante et distinguée, échappant aux grossièretés où elle s’était complue et s’élevant jusqu’au niveau de l’opéra-comique. Il en faut louer le musicien d’abord, mais aussi ses collaborateurs, dont la rare entente de la scène et l’habileté à traiter délicatement des situations difficiles le servaient à merveille et mettaient bien sa musique en valeur. Leterrier a acquis sa notoriété dans le genre de l’opérette, en contribuant plus que personne à la ramener dans les voies de l’opéra-comique. Leterrier, plus Lecocq et Vanloo ont successivement sauvé deux théâtres en détresse en y installant l’opérette de bon ton comme ils la comprenaient : d’abord la Renaissance avec Giroflé-Girofla, puis les Nouveautés avec le Jour et la Nuit. Il fit, du même coup, la fortune de deux actrices, d’abord en exigeant que Giroflé-Girofla soit créé par une doublure inconnue, du nom de Jeanne Granier, puis en allant chercher Delphine Ugalde à l’Opéra-Comique, où elle végétait, pour lui faire chanter le Jour et la Nuit.
Leterrier ne tenait pas autrement à l’opérette, mais l’opérette ne le lâchait pas et il y devait toujours revenir pour fournir le livret de l’Étoile à Emmanuel Chabrier, celui du Beau Nicolas à Paul Lacôme, le Droit d’aînesse à Francisque Chassaigne, et le Roi de Carreau à Théodore Lajarte. Il aurait cependant désiré se vouer davantage à la comédie. Il donnait les Maniaques au Gymnase, la Guiyne aux Variétés, le Huis clos et Papa, deux pièces pleines de verve et d’entrain au théâtre du Palais-Royal. Dans le genre de la féerie et la revue, il a écrit, en collaboration avec Arnold Mortier, le Voyage dans la lune, avec Offenbach pour la Gaîté, l’Arbre de Noël à la Porte-Saint-Martin avec Lecocq, et la Joyeuse Revue de Rataplan aux Variétés.
Quand la maladie l’a pris, il venait de terminer la transformation de son Petit Poucet d’avant 1870 en grande féerie pour la Gaîté. Son dernier ouvrage, alors qu’il n’y voyait presque plus, a été de se faire lire par sa femme et de corriger de tête le livret bâti par Vanloo sur une pièce de Mélesville et Dumanoir, Carlo et Carlin, qu’ils avaient obtenu la permission de traiter en opéra-comique.
Œuvres
Théâtre
- 1867 : Le Mariage aux petites affiches (Vaudeville) avec Albert Vanloo
- 1868 : Le Petit Poucet (Opéra-bouffe) ) ; Une Sombre histoire ! (Comédie-vaudeville) avec Albert Vanloo
- 1869 : La Nuit du 15 octobre (Opérette militaire) ; Madeleine (Opéra-comique) avec Albert Vanloo
- 1871 : Le Peau-rouge de Saint-Quentin (Folie-vaudeville) avec Albert Vanloo et Eugène Grangé ; Nabucho (Opéra-bouffe) avec Albert Vanloo ; La Ressemblance (Comédie) avec Albert Vanloo ; Comme à Paris (Bouffonnerie) avec Michel Mortier et Chandoz ; Un Mari à tiroirs (Comédie) avec Albert Vanloo
- 1874 : Giroflé-girofla (Opéra-bouffe) avec Albert Vanloo ; Les Maniaques (Comédie) avec Albert Vanloo ; La Chouette (Comédie) avec Albert Vanloo
- 1875 : La Guigne (Comédie-vaudeville) avec Albert Vanloo ; Le Voyage dans la Lune (Opéra-féerie) avec Albert Vanloo et Arnold Mortier ; Trop curieuse (Comédie) avec Albert Vanloo ; La Petite mariée (Opéra-comique) avec Albert Vanloo
- 1877 : L'Étoile (Opéra-bouffe) avec Albert Vanloo ; La Marjolaine (Opéra-bouffe) ; Madame Clara (somnambule) (Folie) avec Albert Vanloo
- 1878 : La Camargo (Opéra-comique) avec Albert Vanloo
- 1879 : Une Éducation manquée (Opérette) avec Albert Vanloo ; La Jolie Persane (Opéra-comique) ; Papa (Comédie) avec Albert Vanloo
- 1880 : L'Arbre de Noël (Féerie) avec Albert Vanloo et Arnold Mortier ; Le Beau Nicolas (Opéra-comique) avec Albert Vanloo ; Rataplan (Revue) avec Albert Vanloo et Arnold Mortier
- 1881 : Le Jour et la nuit (Opéra-bouffe) avec Albert Vanloo ; Moucheron (Opérette) avec Albert Vanloo
- 1883 : Le Droit d'aînesse (Opéra-bouffe) ; Le Huis clos (Comédie) avec Albert Vanloo ; Le Roi de carreau (Opéra-comique) avec Albert Vanloo
- 1885 : La Béarnaise (Opéra-comique) avec Albert Vanloo
- 1887 : La Gamine de Paris (Opéra-bouffe) avec Albert Vanloo
- 1888 : La Gardeuse d'oies (Opéra-comique) avec Albert Vanloo